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Antoine Manier, Rencontres Audiovisuelles : “L’accompagnement des contenus est crucial”

D.R.

Du Festival du court métrage de Lille au Vidéo Mapping Festival en passant par le Festival de l’anim’, le directeur de l’association Rencontres Audiovisuelles, Antoine Manier, revient sur son parcours et présente les projets de l’association.

Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer comment votre passion pour l’audiovisuel est née ?

Mes parents ont acheté un caméscope quand j’étais en 6e, dont je me suis vite emparé pour faire des exposés pour le collège, et juste après des courts métrages. Ceci m’a amené à m’intéresser de plus près au cinéma, cinéphile classique, et aux formes moins exposées ; j’ai pu voir mes premiers courts expérimentaux par exemple grâce à l’émission Snark sur Arte.
Très vite, cette passion m’a amené à vouloir en faire mon métier, je suis parti en lycée audiovisuel en seconde.

Pouvez-vous nous parler de l’histoire de l’association ? D’où est venue l’idée et pourquoi avoir créé les rencontres audiovisuelles sous la forme d’une association ?

En sortant de ma section audiovisuel du lycée, j’ai créé l’association avec des camarades dans le but de pouvoir produire des courts métrages vidéo et les diffuser.
C’était à la fin 1998, au moment du développement des cameras numériques, des bancs de montage sur ordinateurs, des vidéo projecteurs plus puissants et plus transportables. Le cinéma était évidemment majoritairement en pellicule et vu dans les lieux dédiés que sont les cinémas ; nous voulions faire nos films et les faire voyager auprès des publics dans tous types de lieux. On a vite rassemblé autour de nous d’autres producteurs vidéo, associatifs, indépendants, écoles, et monté des programmes, nos premiers actes de programmation.
Le projet s’est ensuite développé, et notre passion pour la programmation a pris le pas sur celle de la réalisation. Le dernier court métrage produit date de 2002, même si nous avons repris d’autres formes de production par la suite, dont le mapping aujourd’hui.
Le projet et l’état d’esprit appelaient naturellement une forme associative.

Selon vous, pourquoi est-ce important d’avoir un lieu consacré à la diffusion de courts métrages ?

Nous sommes très fiers de L’hybride, c’est le seul lieu en France dédié au court métrage. Très compliqué économiquement, d’où le fait qu’il soit encore le seul 10 ans après, mais le format le mérite !
L’association a commencé à proposer du court de façon événementielle ; notamment avec le Festival International du Court Métrage dès 2001, puis la Fête de l’anim’ dès 2004. Le public était en demande de voir du court au delà de ces 2 temps forts. La vidéo sur internet n’était pas encore aussi développée, donc nous avons prolongé ce travail événementiel par un travail de fond à l’année avec cette salle.
C’était aussi pour nous l’occasion de plus de liberté de programmation : montrer des choses, travailler avec des personnes et des structures, prendre des risques… tout ce qu’on ne pouvait pas faire sur les festivals, où il y a plus de contraintes, comme le nombre de créneaux horaires ou les lignes éditoriales.




L’association explore le concept de ​video mapping​, pourquoi réaliser un festival autour de cette technique ?

L’association a toujours travaillé sur les nouvelles images et l’exploration de différentes formes. Tout commence avec la création numérique format court dès 1998, et par la suite nous avons exploré dès le début des années 2000 le VJing, les films interactifs sur le web, des installations interactives, performances arts numériques multi-écrans… ainsi que des formes interactives collectives en salle en 2011, et le mapping, pour la première fois en 2010.
Ces différentes formes ont nourri les programmations de nos événements, mais pour le mapping nous avons eu envie d’aller plus loin. D’abord parce qu’on a trouvé cette forme de création passionnante en tant que telle, et pour son potentiel à rassembler des publics très larges (un de nos objectifs de toujours, conquérir de nouveaux publics), son côté transversal (création numérique, patrimoine, architecture…) et pour ses possibilités artistiques.
Nous ne sommes qu’au début des potentiels de la forme, sur les outils, les écritures… L’image du bâtiment qui s’écroule aujourd’hui est au mapping ce qu’était le Train en gare de la Ciotat pour le cinéma.
Et il y a aussi un beau potentiel local : les filières animation, jeu vidéo, graphisme sont très fortes en région, et ces talents vont pouvoir s’emparer du mapping et le faire avancer.
Connaissant bien le monde très structuré de l’animation ou du court, nous avons été sidérés du vide sur le mapping : pas d’école dédiée dans le monde, quasi pas de recherche, pas de festival dédié (le mapping est surtout vu dans les festivals lumière, très peu cinéma qui en est plus proche pourtant), pas d’aides publiques dédiées (le secteur vit principalement sur les commanditaires privés)… Alors nous nous sommes dits que nous pouvions essayer de faire avancer les choses à notre niveau.
C’est de ceci qu’est sorti le Video Mapping European Center, grâce au soutien de la Région Hauts-de-France, de l’Europe et de la Communauté d’Agglomération de la Porte du Hainaut : nous avons monté un outil pour accompagner le développement de la filière en région, et en connexion à l’international. Cet outil articule de la recherche (avec le laboratoire DeVisu de l’Université Polytechnique Hauts-de-France), de la formation, des résidences internationales, de l’accompagnent à la production, une conférence internationale et le Video Mapping Festival.

Vous organisez également plusieurs manifestations dans la métropole lilloise, pouvez-vous nous en dire plus ?

Notre périmètre géographique principal est la région, mais c’est vrai qu’il y a une densité d’actions sur la métropole :

  • L’hybride, avec une programmation annuelle dédié au court métrage
  • le Festival International du Court Métrage de Lille
  • la Fête de l’anim’, qui se déroule aussi à Amiens et Arenberg Creative Mine
  • le Video Mapping Festival, qui se déroule aussi dans 15 villes de la région
  • plusieurs dates du Ciné Soupe, programme itinérant de courts métrages, accueilli dans 50 villes de la région
  • des ateliers pratiques dans des lieux culturels, sociaux, éducatifs (également en région)
  • Flux, un catalogue de courts métrages mis à disposition des cinémas de la région pour les avants-programmes, utilisé par certains cinémas de la métropole

Nous avons aussi des actions à l’international, notamment des projections de courts régionaux, ou des mapping.

Comment monte-t-on des événements aussi importants ? Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer ?

Pour monter ces événements il faut identifier un besoin réel ou à développer, des publics de la société ou des filières (artistes, écoles, producteurs etc), il faut une équipe qui a envie de s’en emparer, et il faut des partenaires : financeurs, lieux d’accueil etc.
Il y a toutes sortes de difficultés, qui évoluent au fil du temps, en fonction du développement du projet, de notre organisation interne, du soutien de nos partenaires et des politiques publiques.
Les difficultés sont propres à chaque projet et à chaque contexte : sur certains cela va être davantage un manque de financement, sur d’autres des difficultés d’accès à des lieux de diffusion, à des contenus, à des blocages techniques ou juridiques, ou encore des problèmes d’organisation interne, de trouver les bonnes compétences.

Les thématiques de la découverte et du partage sont au centre de vos programmes associatifs, que représentent ces valeurs pour vous ?

On ne s’appelle par « Rencontres Audiovisuelles » pour rien en effet. Pour nous, l’accompagnement des contenus est crucial, que ce soit par le travail de médiation, un invité qui accompagne un programme, un débat etc, mais aussi par la forme de la diffusion, que le public soit dans l’atmosphère qui permettra de recevoir ces contenus de la façon optimale, d’avoir envie d’échanger autour d’eux, ou même à l’origine de venir les découvrir.
Par exemple, pour L’hybride, j’ai entendu plusieurs fois des personnes dire qu’elles venaient à L’hybride mais pas au cinéma, pour la vie qu’il y a autour de la projection, les rencontres, la convivialité, ou qu’elles venaient voir le programme sans savoir ce que c’était, en confiance sur ce qu’elles allaient pouvoir découvrir. Pour moi c’est un succès, ça veut dire qu’on a réussi à créer un lien, et un lieu ou les gens se sentent bien et ouverts à la découverte. On est plus proche du cinéclub que du cinéma comme lieu de consommation.
Autre exemple, le Ciné Soupe sillonne la région pour montrer du court métrage sur des territoires où il n’est pas visible. Quand nous avons créé ce programme itinérant de courts métrages, on a pensé à créer un buffet soupe qui suive la projection, pour avoir un temps d’échange convivial après le film, qui casse l’idée du débat d’après-séance avec un sachant débout face à une salle assise. On a amené ça jusque dans le titre du projet pour le revendiquer auprès du public.

Peut-on rejoindre les rencontres audiovisuelles en tant que bénévole ? 

Nous avons gardé le bénévolat dans l’ADN de l’association depuis son époque d’association étudiante. C’est un des points appréciés des professionnels invités sur nos festivals d’ailleurs, qui soulignent que c’est beaucoup plus sympa d’avoir des bénévoles impliqués que des hôtes ou des hôtesses dans d’autres événements !
Il y a différents niveaux d’implication et différents profils parmi nos bénévoles, que ce soit des personnes impliquées à l’année sur L’hybride, ou quelques jours sur les événements.

Quels sont les projets à venir pour l’association ?

La période est compliquée pour se projeter… Pas de nouveaux grands projets ou de révolution prévus !
Nous peaufinons les projets historiques : L’hybride, Ciné Soupe, le Festival International du Court Métrage, la Fête de l’anim’. Nous avons toujours plus de demandes d’ateliers et de projections dans différentes structures en région.
Les projets qui sont en fort développement aujourd’hui sont les projets mapping, avec des nouveaux territoires en région qui accueillent des étapes du Video Mapping Festival par exemple, et aussi les actions d’éducation à l’image et aux médias. Il y a 20 ans nous travaillions exclusivement sur l’éducation à l’image « artistique » : analyser le langage audiovisuel ou les œuvres, puis nous avons ouvert petit à petit à une image plus large, on parle aujourd’hui d’éducation aux médias. La crise sanitaire a amplifié les besoins de la société en accompagnement aux usages des écrans et du numérique, donc nous travaillons de plus en plus sur ces questions, pour donner les clefs de compréhension et de prise de recul pour les jeunes, mais aussi pour aider les parents et accompagner les enfants dans leurs pratiques.

Suivez toutes les actualités de l’association ici

Propos recueillis par Fanny Dekeyser et Thomas Gorschka

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